J'ai lu un ouvrage de Jean-Pierre Petit, membre du CNRS, relatif à l'Univers. Que pensez-vous de l'idée de deux univers "parallèles" (pour reprendre les termes des amateurs de science-fiction)? D'après ce que j'avais compris à l'époque, ce que l'on observe a une structure en éponge: ainsi, dans chaque "trou" de l'éponge viendrait se loger une partie de l'autre univers. Cela fournirait une autre explication au problème de la masse manquante. Dans chaque univers, les particules réagiraient selon les lois de la physique mais entre les particules d'un univers à l'autre, les lois seraient "inversées", c'est-à-dire par exemple, que les particules de même charge s'attireraient.

Le modèle standard de la cosmologie, le Big Bang, ne répond pas -- peut-être pas encore -- à toutes les questions que se posent les astrophysiciens. Aussi, un certain nombre de chercheurs explorent d'autres modèles de cosmologie. Ceci est tout à fait normal, et même souhaitable, puisque de grandes découvertes ont été faites de cette manière (par exemple avec la relativité). Mais la plupart de ces théories, et notamment celle de J-P Petit, ne sont pas acceptées par la communauté scientifique, bien qu'elles apparaissent attrayantes et qu'elles permettent d'expliquer un nombre important de phénomènes. Pourquoi cela?

D'abord, il faut savoir que les théories qui remettent fortement en question les interprétations communément admises se comptent par dizaines. Il est donc nécessaire d'appliquer une méthode de sélection sévère.

Pour atteindre le statut de théorie scientifique reconnue, il faut franchir plusieurs étapes. La plupart des théories naissent d'une spéculation. La première chose à obtenir est le statut de théorie scientifique. Cela implique la capacité d'être testée et validée. Une théorie scientifique doit pouvoir proposer un test, qui, s'il échoue, prouve qu'elle est fausse. Par exemple, je peux émettre la théorie que Dieu (ou un autre) a créé l'univers hier matin, et a imprimé dans nos cerveaux de fausses mémoires. Aucune expérience ne peut prouver que j'ai tort, et donc ma théorie est à rejeter sur le plan scientifique, et restera une pure spéculation.

Si la théorie est reconnue comme <<scientifique>>, sa validité sera ensuite jugée par la communauté scientifique. On peut citer deux critères importants qui vont motiver l'acceptation ou le rejet d'une théorie.

- L'économie de nouveaux concepts: La théorie nécessite-t-elle l'introduction de nouveaux concepts? On explique toujours plus de phénomènes si on rajoute des ingrédients à cet effet. Mais l'explication n'est en fait qu'une illusion. Aussi, il faut n'accepter ces nouveaux concepts qu'en cas de nécessité.

- La prédiction correcte de nouveaux phénomènes: La théorie a-t-elle prédit un phénomène qui était inconnu à l'époque, mais qui est maintenant bien observé? L'existence du rayonnement cosmologique fut prédite dans le cadre du modèle du Big Bang des années avant sa découverte.

Si une théorie est reconnue comme scientifique, il est important de la développer. Mais, la première chose à faire est de vérifier ses fondements, et non pas de se lancer dans de très complexes développements théoriques, qui s'écrouleront si les prémisses sont mises en défaut. Par exemple, de nombreuses théories ont été développées pour expliquer le phénomène de fusion froide. Mais, en l'absence d'une preuve de l'existence de ce phénomène, ces théories s'écroulent telles des châteaux de carte.

Une référence très utile à ce propos est le texte de J-M. Lévy-Leblond: <<Un éloge des théories fausses>>, publié dans <<Science: raison et déraisons>>, Publ. de L'Université de Lausanne fasc. 86, Payot, ou, en version plus concise, dans <<L'esprit de sel>>, Point science, Le Seuil.
 

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Cette réponse a été préparée par Stephane.Paltani@obs.unige.ch