Observatoire de Genève

La Vinchuca

La maladie de Chagas

par Michel Crausaz

Vinchuca

Chagas

Documentation

Lexique

La maladie de Chagas :
Le protozoaire Trypanosoma Cruzi, responsable de la maladie, à été identifiée en 1909 au Brésil par le docteur Carlos Chagas (1879-1934). La maladie de Chagas est aussi appellée trypanosomiase américaine.

L'agent patogène est un protozoaire flagellé qui se présente sous 4 formes différentes au cours de son cycle évolutif. Les formes épimastigote (Crithidia) et promastigote (Leptomonas) s'observent chez l'insecte vecteur et en culture. Dans le sang des malades, il se rencontre sous la forme trypomastigote (ou Trypanosoma), elle est extracellulaire et mesure environ 20 microns. Au cours de la phase chronique de la maladie, c'est sous la forme amastigote (ou Leishmania) que le protozoaire vit dans les cellules réticulo-histiocytaires et musculaires striées des malades; à ce stade, il n'a qu'un appareil flagellaire rudimentaire et ne mesure que 4 à 5 microns.

Transmission de la maladie :
C'est une punaise du genre Triatoma qui transmet au futur malade le protozoaire Trypanosoma cruzi, responsable de la maladie de Chagas.
C'est en général dans les campagnes ou les bidonvilles que l'on rencontre le plus de Vinchucas. Si elles chassent normalement la nuit, il n'est pas rare de pouvoir en observer durant la journée.

Vinchuca en chasse
Photo © 1997, Michel Crausaz Vinchuca en chasse dans la coupole suisse ....
Le camouflage est presque parfait !

Parfaitement immobile dans une zone infestée, vous pouvez rapidement observer quelques uns de ces insectes se diriger vers vous. Les petits gris se confondent parfaitement avec le sol et sont difficiles à repérer. Au moindre mouvement de votre part, ils s'immobiliseront et ne reprendront leur traque que lorsque tout sera de nouveau tranquille.

Les Vinchucas repèrent leurs victimes à plusieurs mètres grâce au dioxide de carbone que celles-ci produisent.

Il arrive de voir "voler" des Vinchucas. En fait je n'en ai jamais vu décoller mais seulement grimper à une paroi et se laisser tomber en planant en direction de sa cible.

Si l'on capture une Vinchuca et qu'on la met dans un verre, elle essayera de vous piquer à travers la paroi. On peut alors observer le grand rostre qu'elle garde habituellement replié sous sa tête se déplier et se pointer vers votre doigt.

Le Triatome s'infecte en se nourrisant du sang d'un homme (ou animal) déjà infecté. L'insecte sera infectant au bout de 2 à 3 semaines. Les Trypanosoma cruzi, pompés avec le sang, resteront dans le tube digestif de l'insecte (ils ne migrent pas ailleurs) où ils se développeront. Lors d'une prochaine piqûre, une partie de ces trypanosomes seront expulsés avec les excréments.

La grandeur de cette vinchuca adulte atteint environ 20mm. On remarque sur cet agrandissement la goutte d'excrément qui peut contenir le trypanosome de la maladie de Chagas
Vinchuca (détail)
Photo © 1982, Michel Crausaz

Le mode de transmission est aussi simple qu'original: lors de la piqûre, qui peut durer de plusieurs minutes à 1/2 heure (effet anesthésiant de la salive ?), la Vinchuca peut pomper jusqu'à 1ml de sang. En même temps que l'animal se remplit, il dépose ses excréments liquides sur la peau près de la piqûre. Victime de démangeaisons, l'homme (ou l'animal) piqué fait rentrer les excréments contenant les Trypanosoma cruzi dans la plaie en se grattant.

Les trypanosomes peuvent aussi entrer dans l'organisme par les yeux, par le nez ou par la bouche. Ils peuvent traverser les muqueuses des yeux et leur développement provoque alors un complexe ophtalmo-ganglionnaire appelé signe de Romaña. Cet oedème est rose-violacé, indolore et unilatéral (ressemblant à un "oeil au beurre noir" !). L'enflure gonfle le pourtour de l'oeil qui n'apparait alors plus qu'à travers une mince fente.

Il existe aussi un risque de transmission de la maladie entre la mère et l'enfant durant la grossesse ou pendant la lactation. Le parasite peut entrer chez l'homme aussi par voie muqueuse (conjonctive), par la consommation de viande crue (steak tartare) ou en cas de lésions buccales. Dans certains pays d'Amérique du Sud, le dépistage est obligatoire pour tous les donneurs de sang, car le risque est élevé lors des transfusions sanguine.

Que faire en cas de piqûre :
SURTOUT NE PAS SE GRATTER, NI SE FROTTER LES YEUX !
- Capturer (si possible) la Vinchuca VIVANTE
- La mettre dans une boîte et la donner ensuite à analyser
- SE NETTOYER IMMEDIATEMENT LES MAINS !
- Nettoyer la piqûre avec du savon
- Désinfecter la plaie
- Surveiller que les symptômes décrits ci-dessous n'apparaissent pas ...
Déroulement de la maladie :
Après 10 jours d'incubation, la maladie entre dans une phase aiguë présentant les symptômes suivants:
- enflure à l'endroit où ont pénétré les trypanosomes (oedème)
- fièvre irrégulière avec augmentation du volume du foie et de la rate
- malaise général ressemblant à un état grippal, transpiration abondante
- éruptions cutanées, troubles respiratoires, nerveux
- exceptionnellement une personne peut souffrir de myocardite et/ou de méningite
- environ 10% de décès à ce stade !
ensuite les symptômes disparaissent.
Après 6 mois environ, on entre dans la phase chronique de la maladie. Les trypanosomes circulent alors librement dans le sang. Après 7-20 ans, les trypanosomes s'enkystent dans les muscles lisses de l'oesophage, du myocarde, etc. provoquant une dilatation des organes. Cette phase dure toute la vie de la victime. Environ 15 à 20% des malades peuvent développer, après 15-20 ans, des lésions sévères au coeur, aux intestins ou au système nerveux. Les autres ne se rendront même pas compte qu'ils sont malades et porteurs du trypanosome.
Certains biologistes pensent que la présence du parasite déclanche une réaction autoimmune qui provoque la dégénérécence des tissus musculaires. Le système immunitaire attaque alors les cellules de son propre corps.
Diagnostic de la maladie :
Les tests sérologiques restent positifs durant le stade intermédiaire de la maladie et du développement des parasites. Bien que non détectables avec les méthodes parasitologiques, on peut reconnaître 20 à 60% des cas avec un xénodiagnostique.
Lutte contre la maladie :
L'insecte contaminé est contaminant toute sa vie. Beaucoup de mammifères sauvages (tatous, rongeurs, chauves-souris, ânes, etc.) ainsi que domestiques (chats, chiens, bétail, etc.) sans oublier les hommes peuvent être contaminés (Anthropozoonose).
Les réservoirs à Trypanosoma cruzi sont très nombreux ce qui complique énormément la lutte contre cet insecte. N'ayant pas ou peu de prédateurs, la destruction de la Vinchuca passe par l'utilisation d'insecticides et/ou la fumigation des maisons (la punaise se cachant dans les murs ou les toitures) et par l'amélioration de l'habitat. D'excellents résultats ont ainsi été obtenus en Argentine et au Brésil.
Dans certaines région d'Amérique du Sud, le fait d'avoir des Vinchucas dans sa maison est un signe de "chance et de bonheur" !! et dans d'autres on l'appelle "el insecto asesino" ...
Il n'existe actuellement pas de vaccin ou de médicament véritablement efficace (sauf au début de la maladie). Le Nitroimidazol peut tuer le parasite dans le sang durant l'étape initiale de l'infection et le Nifurtimox durant la phase aiguë. On utilise aussi le Benzonidazol pour soigner la maladie.
Statistiques diverses :
L'OMS estime à plus de 20 millions le nombre d'individus infectés sur environ 65 millions de personnes exposées à la maladie.
Selon l'OPS (Organization Panamericana de la Salud), il y aurait environ 16 à 18 millions de personnes infectées en Amérique du Sud, dont 2 à 3 millions développent des complications chroniques et environ 43000 personnes qui décèdent chaque année.
En Bolivie par exemple, les Vinchucas occupent 60% du territoire situé entre 300 et 3500 mètres. Cette zone contient une population d'environ 3,7 millions habitants dont environ 1,8 million sont infectés ! On estime qu'il y aura 13% de décès, 15 à 18% de cardiopatie et 16% de désordres gastro-intestinaux.
Observatoire de La Silla (Chili) :
Sur le site de l'Observatoire de La Silla, on y trouve des Vinchucas de l'espèce Triatoma spinolai.
Selon les statistiques de l'ESO publiées en 1992, sur les 247 Vinchucas capturées et analysées entre les années 1970 et 1992, seules 9 étaient infectées par le Trypanosoma cruzi. C'est au cours de l'été austral 1979-80 que ces 9 Vinchucas ont été capturées (4 en 1979 et 5 en 1980) ce qui représente une moyenne de ~ 4% d'insectes infectés en 22 ans de contrôles.
Selon les statistiques de la coupole suisse à La Silla, on trouve encore régulièrement des Vinchucas dans le bâtiment !
Dernières nouvelles :

http://www.safetravel.ch/
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on peut lire (datant de février 2000) :

Interruption de la transmission de la maladie de Chagas au Chili
25-02-2000

D'après un récent rapport d'experts, la maladie de Chagas serait en passe d'être éliminée du pays. En effet, la transmission de la maladie a été interrompue grâce à un programme de contrôle des vecteurs (il s'agit d'un insecte vivant dans les habitations).
(Source: OMS février 2000)

IAMAT Publication

Extrait de A Sample IAMAT Publication trouvé sur le Web le 13 janvier 2000
When Hiking Through Latin America, Be Alert to Chagas' Disease

" Chagas'disease has been highly endemic in rural and suburban areas of the following northern and central regions : Tarapacá, Antofagasta, Atacama, Coquimbo, Valparaíso, Santiago and O'Higgins; but national insecticidal spraying campaigns during the last decade have reduced the house infestation rates by the vector between 80 to 95% of the original rates by 1993. It is hoped that by 1996 the entire country will be free of insect transmission of the disease. Transmission through blood transfusions is under control thanks to compulsory blood screening. Main vector : Triatoma infestans "

Extrait d'un article du Matin du 28 décembre 2003

Des insectes "redresseurs de torts" ? A voir ... (par Daniel Cherix)

A propos de l'utilisation d'insectes comme aphrodisiaque :
... Au Mexique, on vend une punaise de la famille des réduvidés comme aphrodisiaque, bien que cette punaise puisse transmettre la maladie de Chagas ...